Notre organisation a tenu la semaine dernière son conseil syndical national qui est pour nous l’occasion d’entendre l’expression de nos collègues dans toutes les académies. Nous pouvons en tirer une synthèse rapide et brutale : le moral des inspectrices et des inspecteurs est à la baisse, mais la grogne est à la hausse !

Bien sûr, c’est avant tout le sentiment d’une perte de sens du travail réalisé au quotidien qui domine. Ce triste constat n’est nullement tempéré par la publication d’une circulaire mission qui reste de l’ordre du vœu pieux, mais dont aucun supérieur hiérarchique ne semble avoir l’intention de s’emparer.

Le quotidien des corps d’inspection ne s’inscrit pas dans la mise en œuvre d’une politique ambitieuse pour l’École et la réussite des élèves pris dans leur diversité, mais dans la complétion d’enquêtes toutes plus urgentes les unes que les autres. Tiens, suggérons-en une nouvelle : peut-être serait-il intéressant de prévoir une enquête pour savoir combien d’enquêtes sont transmises et traitées chaque année. En confiant cette étude aux services compétents, nous obtiendrions sûrement de magnifiques graphiques qui nous permettraient de dégager des tendances. Cela ne servirait sans doute à rien, mais occuperait beaucoup de monde. Peut-être même l’inspection générale pourrait-elle en tirer un rapport bougrement édifiant… qui ouvrirait sur la mise en place d’un groupe de travail dont la première préoccupation serait de lancer une nouvelle enquête. N’est-ce pas là ce qu’on pourrait appeler un cercle vertueux, en novlangue administrativo-technocratique évidemment ?

Mais tout le monde ne pratique pas la xyloglossie, ce dialecte feutré des cabinets. C’est le second point qui remonte du terrain où de nombreux collègues sont confrontés à des comportements de plus en plus brutaux de la part de leur hiérarchie directe ou indirecte. Les invectives privées, mais aussi de plus en plus souvent publiques, sont la règle dans de nombreux territoires. En cas de difficultés, la première réaction est de plus en plus souvent la défiance, rapidement suivie de la mise en cause des compétences, ou du sang-froid de l’inspecteur… avant toute analyse sérieuse de la situation. L’urgence, toujours l’urgence… C’est sans doute ce sentiment d’urgence qui pousse des responsables hiérarchiques locaux (reconnaissons qu’ici l’expression « responsables » est sans doute inappropriée…), recteurs ou DASEN, à envoyer des messages à leurs collaborateurs le dimanche soir à 22h00. Bon, il est vrai qu’une réponse immédiate n’est pas exigée, il suffit qu’elle soit fournie pour le lendemain à huit heures au plus tard…

Cette violence mine le moral de nombreux inspecteurs, mais elle révolte surtout des collègues de plus en plus nombreux. La tension monte dans le système, ce qui crée des perturbations indiscutablement préjudiciables pour la mise en œuvre des réformes et l’accompagnement par les inspecteurs, légitimement attendu par les équipes pédagogiques.

L’ambition d’une politique éducative cède le pas à l’étroitesse d’un contrôle tatillon. C’est pourtant l’initiative créative, à tous les échelons du système éducatif, qui serait source de progrès et non le conformisme béat ou béta. C’est en tout état de cause ce que pensent les inspectrices et les inspecteurs et il est tout à fait inutile d’envisager une enquête pour s’assurer de la véracité de cette assertion…