Le dernier étage de la fusée des réformes, qui elle, a été enclenchée au premier quinquennat, nous éloigne des classes et des enseignants. Les « clés du camion » ont été confiées à nos collègues personnels de direction. Pour beaucoup, et je ne leur en veux pas, ils se sentent pousser des ailes en se muant en « manager » d’une petite entreprise. Si je ne vais pas taper à la porte des lycées pour proposer ma contribution à la réflexion et bien je ne suis pas sollicité.

 

J’exagère, on m’appelle pour me dire que je n’ai pas trouvé de professeur à mettre en face des élèves, on m’appelle pour me demander de « mettre la pression » sur un enseignant qui ne rentre pas dans le moule, ou m’appelle pour me dire que le nom des jurés pour les examens, ne sont pas remontés assez vite.
En cette rentrée 2023, il faut attendre la fin du mois de septembre pour avoir une visio avec notre ministre. Dans l’ensemble des communiqués de presse, le mot « inspecteur » est aux abonnés absents. Seuls les « chefs », personnels de direction et inspecteurs du 1er degré, chefs de leur circonscription, ont été brossés dans le sens du poil. Je ne veux pas des caresses qui ramènent des puces mais un minimum de considération et que l’on m’implique localement et en académie pour que je transmette mon expertise.
En pratiquant de la sorte, nous allons être coupés des réalités du terrain et perdre cette fameuse expertise glanée lors de nos missions sur l’ensemble de l’académie et parfois au national. Si nous sommes relayés à des missions d’évaluation des systèmes alors nous ne serons plus que des contrôleurs. Je n’ai pas préparé un concours difficile (en ce qui me concerne) pour observer un glissement des finalités de notre métier.
Plus globalement, l’accompagnement que nous devons aux apprenants est pour les mener à choisir et se préparer à un métier qui mutera certainement au gré des évolutions technologiques et sociétales. Cependant, l’école de la République n’a pas, à mes yeux, à prédéterminer des cartes des formations en fonction des bassins d’emploi. Où est la vision émancipatrice de l’école de la République ? Où est sa volonté à conduire un jeune vers le voyage pour mieux comprendre ce qui se passe au-delà d’une frontière qui peut être celle du bout de sa rue, de sa région ou de son pays ?
On me rétorque que le manque de mobilité des jeunes est ce qui motive à les former aux métiers en tension de leur bassin d’emploi. Je suis consterné par cette ambition qui n’a que pour nom « adéquationnisme ».
Cette génération de jeunes apprenants va devoir être sacrifiée sur l’autel de la néo-industrialisation. Construire des batteries, recycler des batteries, poser des batteries, souder des tuyaux pour les terminaux gaziers et les centrales nucléaires et surtout, s’occuper de nos anciens dans des conditions de travail et des salaires de miséreux.
Revenons à nos collègues enseignants qui sont en perte de sens quant à leur métier. Ils s’adaptent à marche forcée aux diverses réformes et leurs appendices, sans prendre le temps de tisser une cohérence entre tous les objets (chef d’œuvre, co-intervention, modules, CAP 3 ans, Pacte, se vendre dans les forums, connaitre les besoins des entreprises, etc …). Ils ont besoin de souffler, réfléchir à leur pratique, observer, corriger, expérimenter, se former mais de tout cela je ne vois que maltraitance professionnelle. Mieux encore, que leurs absences à répétition à la valeur d’une année de formation perdue pour un apprenant.
Je vais retourner à mes PPCR qui ne sont plus des temps d’échange et de valorisation des professeurs ; je vais retourner à mes évaluations externes d’établissements qui sont parfois des espaces de dialogue intéressants mais quid des rapports et de leur utilité ; je vais retourner à mes inspections des instructions en famille où je me demande à quoi je sers si ce n’est repérer des signaux faibles de radicalisation ; je vais retourner à mes avis sur la carte des formations en espérant qu’ils seront pris en compte malgré des décisions déjà actées entre la région, les organisations patronales et le rectorat ; je vais retourner à la DEC pour aider au bon déroulement des examens et m’entendre dire que mon travail laisse à désirer ; je vais retourner à la rédaction d’un sujet pédagogique pour le recrutement national des enseignants sachant que nous allons rendre des postes comme chaque année ; je vais retourner en CPC au ministère pour écrire un référentiel de diplôme qui ne convient plus aux organismes patronaux sachant que ce sont eux qui ont donner les objectifs …
A bien y réfléchir, à mon bureau depuis 6 heures ce matin, je vais quitter ce clavier et je vais aller dans mon jardin cueillir mes dernières tomates et prendre le temps de lire quelques pages « j’ai vu une fleur sauvage » de Hubert Reeves, en caressant ma chienne, bercé par le chant des oiseaux (ils sont peu nombreux mais ils survivent … comme nous …).
FC

PS : Je tiens à préciser que ce billet d’humeur est à lire dans notre contexte professionnel. Il y a des personnes qui vivent des drames plus importants qui me fait relativiser les divers points abordés.

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