Certains nous disent que travailler plus longtemps serait le seul moyen de préserver notre modèle social… Mais cette mesure apparaît surtout comme un marqueur idéologique et une perspective profondément injuste pour les plus défavorisés, sans apporter une réelle amélioration à un système dont le financement n’est d’ailleurs pas menacé.

Le dogme du « travailler plus »

Ce serait nous dit-on le seul moyen de produire davantage de richesse pour pouvoir maintenir notre train de vie social tout en réduisant les impôts qui pèsent « injustement » sur les particuliers comme sur les entreprises.

Présent comme une évidence dans de nombreux programmes, cet objectif de réduction des impôts est un grand classique démagogique de toute campagne électorale, alors que l’impôt est un principe fondamental de solidarité.

Certes, on peut considérer que dans une entreprise privée il est normal que les dirigeants souhaitent que leurs employés travaillent plus afin de dégager davantage de profits mais dans de nombreux secteurs de services comme la santé, le social ou l’éducation, on ne peut pas se contenter d’associer de manière simpliste travail et production de richesse … De même que dans une société d’hyperconsommation qui doit faire face à des enjeux environnementaux majeurs, le modèle productiviste est même devenu l’un des principaux facteurs de destruction de richesses.

Il faut surtout constater que le « travailler plus » associé au « gagner plus » sont les deux faces d’une même pièce qui nous délivre un double message subliminal :
- d’une part, la fortune des riches serait justifiée par le fait qu’ils travaillent davantage
- d’autre part, les pauvres devraient leur dénuement au fait qu’ils ne travaillent pas assez alors qu’il leur suffirait de traverser la rue pour trouver un emploi  au lieu de se complaire dans un statut d’assistés !

L’injustice pour les moins favorisés

Les plus touchés par ces perspectives sont les ouvriers et les employés qui ont commencé à travailler très tôt car ils n’ont pas eu le privilège de faire des études longues et leurs conditions de travail réduisent de manière importante leur espérance de vie.

Un loi votée en 2014 avait instauré un compte de pénibilité mais elle a été largement vidée de sa substance en 2017 par une réduction des critères pris en compte au prétexte que la mise en œuvre aurait été trop complexe.

Les statistiques ne permettent aucun doute sur la réalité de cette injustice : à l’âge de 62 ans, 25% des plus pauvres sont déjà décédés, mais seulement 5% des plus riches. En reportant la retraite à 65 ans, ces chiffres seront alors de 30% et 7%.

 L’inefficacité pour le financement du système

Certes la diminution progressive du nombre d’actifs par rapport au nombre de retraités est un sujet d’inquiétude légitime, mais qu’il convient d’examiner avec circonspection car les retraites ne sont plus financées exclusivement par les actifs sous l’effet de deux mesures complémentaires : 
- la montée en charge progressive de la CSG créée en 1991 et qui s’applique à tous les revenus (activité, mais aussi retraite, invalidité et capital)
- le recours de plus en plus fréquent à des exonérations de cotisations sociales en principe compensées par l’Etat (heures supplémentaires, prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, prime énergie, etc) donc sur des ressources non liées au travail.

Ces évolutions expliquent en grande partie que les perspectives retenues par le Conseil d’Orientation des Retraites restent stables à moyen terme : au-delà d’un déficit conjoncturel dû à la crise sanitaire, la part du PIB consacrée aux retraites (13,5%) devrait diminuer progressivement pour s’établir vers 2070 entre 11% et 13%.

D’ailleurs, si les besoins de financement ne justifient pas de retarder l’âge de départ en retraite, un maintien en activité n’aurait également qu’une efficacité « économique » réduite. En effet, selon les dernières données du COR, au moment de prendre leur retraite, seuls 56,2 % étaient encore en emploi et il serait donc totalement artificiel de maintenir « en activité » ceux qui sont en réalité au chômage, en invalidité,  en maladie ou simplement sans emploi.

L’exigence d’une concertation

Le risque majeur serait qu’une telle mesure apparaisse sans aucun débat contradictoire et soit alors considérée comme validée  dans une élection présidentielle où le débat démocratique sera totalement faussé par les incertitudes des conséquences économiques de la crise sanitaire comme par les inquiétudes terrifiantes de la guerre en Ukraine.

 

Ce texte est paru dans la revue L'Inspection n° 162 - Avril 2022

 

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