« Allo, madame l’inspectrice, X recommence, il vient de frapper son enseignante puis son AESH. Pour le moment, nous avons réussi à le calmer. Il a fallu que nous soyons 4 pour cela. Nous ne savons plus quoi faire. »
« Madame l’inspectrice, je vous informe que je suis très choquée par ce que je viens de subir. J’ai besoin de votre soutien. Le père a dit qu’il allait revenir à 11h30 et qu’il « allait me défoncer » »
« Madame l’inspectrice, je vous informe que mon enfant est victime de harcèlement dans son école. Tous les jours lors des temps périscolaires, il est frappé et insulté. Le directeur de l’école ne fait rien, il dit qu’il n’est pas responsable de la cantine. »
« Madame l’inspectrice, je me permets de vous rappeler l’équipe de suivi prévue demain à 8h45 pour Y. J’ai dû la décaler à deux reprises pour être sûr d’avoir votre présence face à cette situation insoluble. »
« Madame l’inspectrice, je vous remercie de nous apporter des éléments de réponse au mail suivant reçu au cabinet »…
Premier jour de la semaine, et pourtant, sur l’agenda, elle semblait plus sereine que la précédente. Ainsi font, font, font, telle une marionnette ; il conviendra de prioriser l’urgence. Appeler la directrice pour savoir où en est la situation avec l’enfant en crise. Appeler l’équipe mobile de sécurité pour protéger la directrice du père, la prévenir et la rassurer. Le reste peut attendre… En même temps, répondre au mail du cabinet ira vite ; il n’y aura qu’à renvoyer le mail resté sans réponse et envoyé 15 jours plus tôt.
La réunion d’équipe de circonscription prévue, c’est un peu comme la séance d’EPS affichée dans l’emploi du temps, c’est s’il y a le temps… Ainsi font, font, font, telles des marionnettes, chacun part gérer des situations, éteindre des feux, écouter, rassurer, se faire investiguer parfois, mettre à mal souvent… C’est ça un IEN et une équipe de terrain et c’est ainsi que la confiance des équipes d’école se gagne… Au 4ème étage, on est loin du terrain.
Ces réponses que l’on doit apporter seul, ces décisions que l’on doit prendre seul, ces informations que l’on doit transférer aux écoles sans en maitriser les contenus et ces contradictions de la hiérarchie qu’il faut ensuite expliquer… l’envie de tout arrêter… mais elles reviendront toujours les marionnettes…
Le sentiment de solitude est celui d’avoir l’impression de baigner dans l’indifférence et l’invisibilité. Pas de vagues, pas d’images chocs, pas de visages fermés, pas de cris ni de larmes. Juste le bruit sourd de l’absence.
Madelon, IEN CCPD, en perte de repères