à Laurence,

 

« Enjeu décisif » en effet que la question traitée par Pierre FRACKOWIAK dont la plume est bien connue : professionnelle, aiguisée et juste, trempée dans l’encre des Humanités. Ces Humanités qu’on a jetées par-dessus bord du bateau dérivant Ecole. Il ressemble de plus en plus à un rafiot, rapiécé qu’il est de toutes parts à force d’incohérences, contradictions, impostures politiques patentes constellant la coque et son drapeau trompeur. Une galère en tout cas, à tribord comme à bâbord, que l’on soit enseignant ou inspecteur.

 

Jetons entre les deux une échelle de coupée au nom de ce que l’auteur nomme « le pari de l’intelligence ». Car nous sommes tous otages et victimes à bord de ce bateau-pirate piloté par de petit(e)s marquis(es) logorrhéiques de l’évaluation, de la performance, du culte (et non de la culture – grave mésusage d’un noble terme) du résultat.

 

Car hélas, les forbans ne sont pas qu’à l’extérieur ainsi qu’il est dit dans le texte : ces petits « fonctionnaires qui fonctionnent » imitent nos rangs, répondant trait pour trait à la caricature brossée dans les témoignages cités, et que confirme l’étude de Bernard JOLIBERT et Jean LOMBARD 1. Tout l’arsenal lolfique et le baratin « planomaniaque »2 qui l’accompagne ont été récupérés par qui est rebuté par la mission enseignante, par qui a « une revanche à prendre ». Ce bric-à-brac tisse un voile performant pour dissimuler, que ce soit l’incurie à faire vivre une circonscription ou le déficit d’expertise pédagogique. Il permet de jouer au puissant « qui sait », de manière parfaitement déshumanisée car affichée comme impartiale. Il permet en outre de jouer au casse-boîtes...

 

Un souhaitable front unanime est donc bien loin d’être réalisé pour faire face à la machine à matraquer l’Ecole et ceux qui y travaillent ! La prétention verbeuse à piloter favorise l’illusion, permet de ne jamais traiter le fond, d’éviter les questions, de tenir la langue de bois si politiquement souhaitée au nom de la « loyauté » (un seul phonème de différence avec « royauté » - étrange...) Dans ces marquisats- là, les maîtres tiennent en effet une double comptabilité propre à satisfaire et flatter l’ego inspectoral. Leur objectif est d’avoir la paix pour pouvoir ensuite travailler normalement.

 

Combien on peut les comprendre ! Qui sont les plus grands perdants de cette mise en scène ridicule ?

 

Les élèves bien sûr car cette débauche de paperasse et de réunions stériles dévore temps et énergie, intelligence et créativité qui auraient dû être employés à leur service. Ces élèves, censés être citoyens demain, sont immergés dans une vaste foire du faux savoir qui n’a rien de joyeuse. Foire aux annonces de l’apparence où, sur le versant adulte, les compétences professionnelles cardinales sont diluées, dans une volonté de moins en moins dissimulée d’anéantir toute réflexion, toute intelligence et, cela va de soi, toute expression de celles-ci.

 

Elle n’a rien de glorieux ni de civilisateur cette Ecole du XXIè siècle !

 

Réagissons en masse pour affirmer le primat de l’intellectuel sur le business technocratique ! Que celles et ceux d’entre nous qui rêvent de récompense à leur zèle paperassier réalisent qu’ils se rendent complices d’un véritable génocide de la pensée. Dont ils ne tireront du reste aucun bénéfice, quoi qu’ils s’imaginent : ils sombreront avec l’épave qu’ils auront eux-mêmes sabordée par leur servilité.

 

Les maîtres doivent comprendre et accepter que nous partageons les mêmes idéaux humanistes. Que nos « chers et chères collègues » cessent de disqualifier (et déshonorer) la profession en se conduisant en minables petits chefs bornés à leurs tableaux de bord, très tendance actuelle il est vrai vers le retour à la féodalité.

 

Que les enseignants cessent de nous désigner comme boucs émissaires dans cette avalanche d’incohérences successives : Que nous soyons « Marquis » ou pas, nous ne pesons plus rien en rien. Il n’existe dramatiquement aucune autre initiative possible que le refus d’obéissance collectif dans un pays où les lois ne concernent jamais ceux qui les prennent et les votent.

 

Refuser d’exécuter les « commandes » ; refuser de brouillonner d’insincères contrats d’objectifs ; refuser la mascarade de dialogues de gestion creux et hypocrites ; refuser d’inspecter «par les résultats» et la déshumanisation corollaire ; refuser de tyranniser les équipes avec des moulins à papier (gaspillé au mépris du fameux Grenelle de l’environnement).

 

Refuser d’obéir en un mot à des ordres contraires à l’intérêt et à l’avenir des élèves. C’est à eux que nous avons des comptes à rendre. Pour cela, il leur faut être capables de penser (et non s’en sentir coupables).

 

Actes plus grippants pour l’administration que ces journées de grève ne contrariant que les parents de la rue ayant déjà bien d’autres graves motifs de contrariété dans un contexte sinistre que nous partageons avec eux.

 

Actes moins risqués pour nos relations avec les partenaires contraints au service minimum et avec qui nous ne devons surtout pas entrer en rupture. La stratégie actuelle est claire: opposer les groupes de population, les institutions, les individus. Ne nous y prêtons pas.

 

Nos syndicats confondus dans une opposition massive et ferme doivent collaborer au sens le plus noble du terme. Faute de cela, ils seront confondus d’une tout autre manière, renvoyés à leur propre errance face à « l’enjeu décisif ». C’est ensemble qu’il nous faut réagir car le péril est collectif. Les libertés sont menacées. Ni plus, ni moins.

 

Il y a lieu d’imaginer en effet que, équipés d’une carrosserie LOLF et d’ordinateurs pour la faire avancer, les grands démocrates de l’Histoire fussent parvenus à leur solution finale.

 

Au moins ne prétendaient-ils pas à l’égalité des chances, à la fraternité, aux valeurs humanistes.....

 

1 Réussir son inspection JOLIBERT & LOMBARD Seli Arslan 2008

2 ibid

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