L'esclavage , enseigne-t-on, fut aboli en 1848. Il fallut un certain temps pour que cela soit... Ne concernait-il pas des populations de « sauvages », probablement dépourvus d'âme selon les indicateurs en vogue à l'époque ? En d'autres temps, régna le servage, manière civilisée d'organiser la société des personnes comme il faut : chrétiennes en général, il était délicat de leur appliquer ces mêmes indicateurs mais, au fond, ce qui pilotait demeurait la performance (économique cela va de soi : gestion du tableau de bord seigneurial).

 

Nous ne sommes plus au bon vieux temps des rois (dont on taxe certains d'avoir été feinéants, d'autres d'avoir gaspillé l'impôt) où l'on embastillait ou bannissait pour peu de choses. Et cependant, les têtes couronnées du moment se sont récemment encore émues vivement – on reconnaîtra ici une expression consacrée – des atrocités commises au titre de la pratique esclavagiste ! On enseignera désormais clairement la chose aux générations futures de ce beau pays.

 

La messe est dite, passons aux choses sérieuses :

Elles procèdent d'une stratégie de gavage, non pas des oies dont on mesure la cirrhose du foie (indicateur de circonstance) mais des Inspecteurs – certains en présentent peut-être une également mais ne nous égarons pas. Ces Inspecteurs, depuis quelque temps, sont proprement gavés :

 

Non de graines mais de papiers, plans, circulaires, instructions, injonctions... Gavés par les journées qu'ils sont contraints de supporter, en limite de la rupture psychique pour certains ; gavés d'être pris pour des serfs ou des esclaves, selon le degré d'élégance qui caractérisera plus ou moins le donneur d'ordres ; gavés par le leitmotiv d'un vieux ragoût réchauffé : « nous savons pouvoir compter sur votre engagement sans faille et bla bla bla... » ; gavés d'être amenés à avaliser des propositions que leur conscience pédagogique réprouve, gavés de devoir relayer des instructions à la cohérence périlleuse pour les tiers concernés (partenaires, personnels, parents etc...), gavés de presser à leur tour les enseignants comme des agrumes ; gavés qu'on veuille leur faire confondre engagement professionnel et abnégation de toute autre dimension de la vie.

 

Ce caprice de la mode crée un ravage qui se conclut par un défilé comme il se doit, lequel n'est malheureusement pas composé d'attractifs mannequins comme ailleurs. Ce défilé, c'est à la tribune d'une conférence de presse, pour une tournée des popotes pédagogiques, une péroraison face à un amphi quelconque qu'il se produit.

Les Inspecteurs font tapisserie – il est recommandé ici de pouvoir encore faire illusion, décoration et mise en scène obligent – car il semblerait qu'ils ne puissent plus, ici ou là, partager au sein même de leur collège, inquiétudes et questions professionnelles qui les animent.

La chose fâcherait en cour se dit-on...

 

Les calendriers stratégiques de pilotage de la nouvelle semaine scolaire ne sont pas contraignants : ils sont tout bonnement le produit d'une pathologie institutionnelle dont la vitesse est la seule préoccupation. A ce stade du tableau clinique, on parle d'obsession. Quand on se trouve confronté à l'expression de la folie, le principe de précaution est de se mettre à l'abri. Non d'encourager le pathos, de s'y précipiter, d'en amplifier ce faisant la toxicité.

 

Ce gavage institutionnel auquel nous sommes soumis cette année au fil des déclarations télévisées, mène la galère de l'esclavage vers une déclinaison de notre métier qui tient du servage. Tout ceci, nous le voyons bien, en tous domaines crée des ravages ; espérons qu'ils ne seront pas irréversibles dans le petit crédit dont nous pouvons encore disposer là où vivent des élèves.

 

Car plus personne ne comprend plus rien dans un monde éducatif devenu si sauvage alors même qu'on prétend y répandre des valeurs humanistes.

 

Des collègues s'effondrent, croulant sous les charges, voyant leur temps qui se rétrécit alors qu'ils ne s'emploient qu'à l'allonger au détriment de tout le reste. Notre intelligence, à la fois professionnelle mais surtout personnelle, se heurte à une surdité rarement rencontrée, quand ce n'est pas au mépris pur et simple.

 

Nos questions, légitimes car dictées par notre connaissance des écoles, se perdent dans un silence abyssal. Notre éthique semble ne plus avoir de place dans la réflexion, le seul objectif étant l'organisation technique et le respect d'un calendrier intenable.

 

Où allons-nous ? Combien de temps attendrons-nous pour siffler collectivement la fin de cette récréation qui n'a rien de joyeuse ?

 

Au fond, quel est notre âge mental pour nous laisser ainsi malmener ?

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