Il ne fait guère de doute que depuis la Libération, cette année 2011 qui s’ouvre,  sera pour l’Ecole une des plus difficiles à vivre.

 

La remise en cause de la plupart des finalités et des dispositions qui avaient guidé une vision d’un Etat Républicain fondé sur la solidarité et le progrès social a atteint des sommets et a produit des effets que l’on mesure cruellement dans le monde l’éducation.

Ce n’est d’ailleurs pas tout fait un hasard si en réaction, les valeurs défendues par le Conseil national de la Résistance ont connu ces dernières semaines un regain d’intérêt dans la population et si le livre de Stéphane HESSEL,  qui ne dit pas grand-chose pourtant, mais qui doit suggérer l’essentiel, a connu un succès immense en librairie. Le sentiment d’indignation repose pour beaucoup sur cette impression indistincte que des principes fondamentaux, notamment ceux qui ont refondé l’école à la Libération, se trouvent aujourd’hui bafoués.

 

Historiquement ces principes ont été posés par le plan Langevin-Wallon. Ce plan global n’avait pas pour vocation d’être appliqué dans l’urgence. Il ne fut jamais exécuté tel que formulé. Il a néanmoins posé une ambition qui a permis de projeter pour la France, et pendant des décennies, un grand système éducatif démocratique pour lui permettre de rattraper son retard dans ce domaine décisif de la compétition avec les autres pays développés.

 

Rappelons ici quelques points non exhaustifs issus de ce plan qui ont orienté durablement notre système éducatif :

 

  • Une formation des maîtres qui devait lier les dimensions théoriques et pratiques, avec une orientation forte en faveur de la pédagogie active. Une formation adossée à l’université avec un corps unique de professeurs de la maternelle à l’université. Un système particulier de bourses envisagé pour que le recrutement des maîtres puisse rester populaire ;
  • Une importance décisive donnée à l’enseignement professionnel et technologique ;
  • La place essentielle des inspecteurs qui devaient être les conseillers pédagogiques des maîtres en collaboration avec les centres de recherche pédagogique, projet qui dessinait les contours des équipes de circonscriptions et l’arrivée des conseillers pédagogiques ;
  • La création de la fonction de psychologue scolaire ayant une double qualification : pédagogique et psychologique, préfigurant les dispositifs des GAPP, puis des RASED ;
  • Une éducation populaire dotée de moyens substantiels et accessible tout au long de la vie ;
  • Le respect des rythmes biologiques des enfants ;
  • La limitation des effectifs par classe à 25 élèves à l’école primaire.

 

Il n’est pas nécessaire de comparer ces orientations à celles que l’on nous demande de légitimer aujourd’hui.

La confrontation entre les orientations actuelles et celles du Plan Langevin-Wallon nous éclaire sur l’absence d’ambition et sur les non-dits politiques des réformes contemporaines.

Il est aisé de constater que les réformes de ces derniers mois consistent essentiellement à remettre en cause les constructions patientes découlant des projets élaborés dans le creuset de la Résistance. Ces remises en cause sont justifiées par des préceptes idéologiques qui nous font régresser avant la Seconde Guerre Mondiale. La glorification de l’école de la Troisième République permet de légitimer des suppressions considérables de moyens sous couvert de  participer à l’effort efficient pour réduire la dette publique.

 

Les réformes conduites sans diagnostic préalable, et dans un rythme effréné : réformes de l’école primaire, des lycées, de la formation des maîtres, de la voie professionnelle, de la voie technologique, de l’orientation scolaire et professionnelle, des retraites…  ne suscitent finalement que peu de réaction durables tant l’effet d’accumulation et de sidération finit par grignoter toutes actions et pensées critiques et collectives.

 

Dans ce nouveau système, le concept de projet durable comme l’intelligence et la pensée collectives n’ont plus leur place. Le passé récent du système éducatif est disqualifié. La mémoire et la fierté de ceux qui ont construit le système éducatif pendant des décennies sont dévaluées.  Les acteurs doivent appliquer sans délai les changements brutaux. Les pilotes de ces réformes n’ont guère d’autre choix que de se muer en exécutants serviles  ou en petits chefs. La gouvernance du système évolue aussi très vite. Lors du dernier conseil syndical national du SI.EN, en décembre 2010, nous avons vu monter le nombre de situations où l’autoritarisme a pris place dans certains départements. Le système éducatif ne fonctionne plus de manière rationnelle, démocratique et réfléchie. Chacun est soumis au diktat du résultat et de l’urgence. Faute d’orientations claires, les désirs individuels de caciques s’exacerbent. Des collègues inspecteurs vivent alors un calvaire les amenant à renoncer à l’image d’un métier dont ils étaient fiers.

 

La RGPP produit tous les semestres de nouvelles idées pour réduire la dépense publique. Les propositions les plus invraisemblables voient le jour. On supprime des postes de médecins scolaires là où l’encre d’une convention locale pour leur hébergement n’est pas encore sèche. On propose de déplacer les locaux des inspections là où les mairies seront les plus offrantes. On propose de coupler la fonction de secrétaire d’inspection du Premier Degré avec le secrétariat d’un CIO. On installera les conseillers pédagogiques dans les écoles puisque leurs missions doivent s’incarner au plus près de la classe…

La formation continue disparaît. L’action culturelle voit ses subsides se dissoudre, etc., etc..

 

Dans ce contexte déjà très pesant vont intervenir des suppressions des postes à un niveau que le système éducatif n’a sans doute jamais connu.

Les luttes politiques préparant les élections présidentielles vont être âpres, y compris au sein de ce qu’il convient d’appeler la majorité présidentielle. Les inspecteurs vont être souvent en fâcheuses postures. Selon les pratiques en vigueur, l’inspecteur, au plus près du terrain, sera certainement abandonné par sa hiérarchie au nom de la responsabilité individuelle, quand on ne mettra pas en cause sa maladresse dans la conduite des négociations.

 

Toutes ces raisons non exhaustives plaident en faveur d’une unité syndicale sans failles.

Nous vivons des heures graves.

Plus que jamais, nous allons devoir faire preuve d’unité. Le syndicat est fait pour cela.

 

Bien sûr, on nous objectera que les références au plan Langevin-Wallon sont désuètes. Il nous faut regarder l’horizon radieux d’une société mondialisée.

 

Et si un regard projeté sur ce plan nous aidait à construire une vision d’avenir de notre système éducatif ?  Si cette attention nous permettait de retrouver du sens, mais aussi et surtout de la fierté, pour l’œuvre accomplie ?

Et si ce ressourcement avait des vertus positives pour une indignation qui se veut constructive, pour une indignation qui refuse la destruction de l’image et de la réalité du système éducatif ; pour une indignation qui s’oppose à la régression des dynamiques collectives qui doivent porter les progrès nécessaires de l’Ecole ; pour une indignation qui affirmerait que le projet d’avenir pour l’école ne pourra se construire qu’en réactivant et en actualisant pour 2011, et au-delà, les principes républicains issus de la Résistance ?

 

Nous aurions peut-être exorcisé la face sombre des vœux !

 

 

Jacques BEAUDOIN, Responsable Académique du SI.EN- UNSA

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