Mercredi 12 décembre 2018, le SI.EN–UNSA a participé de manière active à la réunion de consultation sur les projets de programmes des enseignements généraux de la voie professionnelle. Cette première réunion a été initiée et présidée par Souâd AYADA, Présidente du Conseil Supérieur des Programmes (CSP) en présence de David BAUDUIN, Secrétaire général. Des représentants du SNIA-IPR (adhérent de l’UNSA) et du SNPI-FSU ont également participé à cette réunion qui s’est tenue de 10h à 12h 30 dans les locaux de la DGESCO.
Les projets de programmes doivent être remis au CSP par les groupes d’experts, le 25 janvier 2019
Après avoir salué le travail d’analyse et les contributions des syndicats à la réflexion en cours sur ces projets de programmes, madame AYADA donne quelques éléments de calendrier et précise que cette consultation, qui a par ailleurs débuté le lundi 3 décembre 2018, se déroule dans un temps contraint imposé par la lettre de saisine de monsieur le Ministre de l’éducation nationale, en date du 12 septembre 2018.
Les projets de programmes doivent être remis au CSP par les groupes d’experts, le 25 janvier 2019. Leur examen et les amendements débuteront le 5 février pour une diffusion en vue d’une consultation en ligne par les enseignants, à partir du 15 février. La publication de ces nouveaux programmes est prévue à partir du 15 mars 2019 pour une mise en application à la rentrée de septembre 2019.
Madame AYADA indique que les organisations syndicales enseignantes, qui ont été reçues en premier, se sont insurgées contre les projets de grilles horaires publiées par le ministère et qui traduisent une réelle diminution des horaires de l’enseignement général.
Elle déplore à son tour cette baisse des horaires infligée à l’enseignement général. Elle illustre son propos en indiquant que « les élèves de la voie professionnelle ont besoin d’être à l’école plutôt que de rester à la maison».
La présidente indique que le CSP souffre d’un déficit d’informations et exprime le souhait de pouvoir compter sur les inspecteurs pour partager les informations et pour les remontées du terrain.
Après un tour de table, les représentants du SI.EN-UNSA, qui sont par ailleurs les seuls à avoir préparé leur déclaration liminaire assortie d’une analyse argumentée de l’existant, relèvent avec satisfaction l’affirmation des représentants du SNPI-FSU qui déclarent partager l’analyse et la vision du SI.EN – UNSA, en s’inscrivant dans une ambition commune.
Intervention des représentants du SI.EN-UNSA : contributions et éléments d’analyse
Après avoir remercié la présidente du CSP d’avoir initié cette consultation des inspecteurs, les représentants du SI.EN-UNSA font part de leur regret au sujet de ce calendrier qu’ils jugent trop contraint et qui les oblige à travailler dans l’urgence. Ils déplorent l’absence de projets de programmes qui auraient dû servir de supports pour cette consultation.
Tout en étant forcés de prendre appui pour leur analyse uniquement sur les programmes existants, ils expriment le vœu de voir leurs propositions entendues et retenues car ils sont persuadés qu’elles ont pour vocation non seulement d’enrichir les nouveaux programmes mais également d’éviter les erreurs du passé.
Les représentants du SI.EN-UNSA déclarent ainsi :
« Comme nous l’avions déjà indiqué au moment de la consultation sur les programmes du lycée général et technologique, nous regrettons que le projet de transformation du lycée professionnel n’ait pu permettre de fusionner les deux voies technologique et professionnelle, au profit de la construction des parcours et de la mixité sociale, dans un lycée pour tous qui doit être porteur de justice sociale et sans aucun clivage.
Nous nous attacherons à défendre ce point de vue auprès de nos partenaires.
Nous gardons l’espoir que les contenus des programmes de la voie technologique soient rédigés en cohérence et en complémentarité avec ceux de la voie professionnelle en prenant en considération la logique curriculaire et le continuum collège – lycée.
La lettre de saisine de monsieur le Ministre invite à des programmes qui soient ambitieux et qui contribuent à un renforcement mutuel des enseignements généraux et des enseignements professionnels, pour l’acquisition d’une culture générale solide. Le SI.EN-UNSA affirme partager cette volonté mais s’interroge sur l’effet inverse que pourrait produire la mise en œuvre sur le terrain.
Nous rappelons de ce fait la nécessité de proposer des programmes des enseignements généraux dont les contenus permettent de construire des compétences sur un mode durable, évaluées sur leur réelle acquisition, au profit de la formation de la personne, du citoyen, de l‘étudiant à venir et du professionnel. Les programmes doivent inviter les apprenants à la réflexion, à l’analyse et à une véritable prise en main de leurs apprentissages. Ils doivent favoriser la mixité et en aucun cas constituer un frein pour la construction des parcours de formation individualisés.
Un socle de Culture générale solide doit être réaffirmé, les élèves du lycée professionnel ayant le droit de bénéficier d’acquis ambitieux. C’est aussi ainsi que l’on pourra valoriser la voie professionnelle au nom de l’égale dignité des parcours et des cursus.
Il s’agit donc de consolider des programmes ambitieux et de veiller à la complémentarité plutôt qu’à l’instrumentalisation.
Toutefois, le projet d’annonce de co-intervention, réservé aux deux disciplines que sont le Français et les Maths-Sciences, ne risque-t-il pas d’engendrer la stigmatisation de la réflexion autour de l’interdisciplinarité ? Il est en effet nécessaire de consolider les liens entre les diverses disciplines, comme le permet aujourd’hui le concept des enseignements généraux liés à la spécialité. La co-construction privilégie le sens donné aux enseignements qui se renforcent mutuellement par la résolution collective de problèmes. Si l’on veut que l’interdisciplinarité favorise la construction des savoirs et développe la démarche de résolution collective de problèmes auprès des apprenants, il devient évident d’étendre naturellement la démarche de co-intervention à toutes les disciplines en se gardant de la limiter seulement au Français et aux Mathématiques-Sciences Physiques et chimiques. La pédagogie de projet constitue le contexte réellement propice au développement de pratiques interdisciplinaires. Toutes les études menées sur le sujet à ce jour, mettent en évidence le gain indéniable apporté par le travail collectif des enseignants sur la réussite des élèves, sur le climat scolaire et sur le développement personnel des enseignants.
À cet effet, les enseignements généraux doivent tous pleinement contribuer à la pédagogie du chef-d’œuvre.
L’une des clés de réussite de mise en œuvre de la co-intervention réside dans l’instauration d’un temps dédié à la concertation, nécessaire pour construire le travail collectif et mettre en œuvre l’interdisciplinarité comme pédagogie de lien.
Pour ce qui concerne l’évaluation, elle ne doit pas représenter une contrainte en matière de temps et doit permettre de vérifier la maitrise de compétences générales, professionnelles et transférables, en lien avec d’autres enseignements. En l’intégrant dans le processus d’accompagnement, elle pourra mieux répondre à sa vocation principale et servir d’outil de mesure du progrès de l’élève et de ce fait, de levier favorisant sa réussite.
Le principe du Contrôle en Cours de Formation doit être maintenu mais surtout pas dans une logique cumulative. Il ne s’agit pas comme c’est le cas aujourd’hui pour certaines disciplines, d’en faire des examens ponctuels, du fait de situations d’évaluation multiples que l’on ne pourrait séparer les unes des autres.
Il s’agit de plus de pleinement associer l’élève à son évaluation, à l’aide de portfolios privilégiant son auto-évaluation.
Le SI.EN-UNSA est parfaitement conscient de la volonté du Ministère de l’Éducation Nationale d’améliorer la qualité de l’enseignement dans la voie professionnelle. Il ne cache toutefois pas son inquiétude quant à certains horaires prévus pour l’enseignement général. Ces nouveaux horaires laissent peu de place à l’appropriation de cette culture générale, ainsi qu’à une véritable construction de compétences transversales solides nécessaires à l’adaptabilité future de chaque jeune, comme le prévoit la lettre de saisine.
Nous rappelons enfin l’importance d’une simplification de la présentation et de la terminologie des programmes pour qu’ils soient accessibles aux parents et aux professionnels. Il conviendrait également de veiller lors de leur écriture à ce qu’un éventuel fléchage des contenus ne devienne pas trop contraignant pour la construction des savoirs.
Ainsi, il est nécessaire que les diverses disciplines s’harmonisent quant à leurs acceptions des divers concepts et notions, telle celle de la compétence. L’élaboration d’un champ conceptuel, par rapport auquel il va être possible d’avancer, n’est-il en effet pas un élément fondamental de la recherche scientifique ?
Enfin, le SI.EN-UNSA réaffirme sa volonté de rester à l’écoute et se positionne comme partenaire solide et fiable dans la construction des programmes, des grilles horaires afférentes et des modalités d’évaluation et de certification.
Cette déclaration du SI.EN-UNSA a permis d’ouvrir les débats et les échanges sur les attendus des nouveaux programmes et sur leur articulation avec les enseignements professionnels. Les questions relatives à la co- intervention et son impact sur les enseignements généraux, à l’évaluation et à l’accompagnement des équipes pédagogiques ont fait l’objet de propositions concrètes qui ont permis à la présidente du CSP de repérer et de recueillir les éléments de réponse aux questions posées dans la lettre de de saisine du ministre de l’éducation nationale.
La discussion a permis par ailleurs de cerner quelques points de vigilance qui ont fait l’objet d’une attention particulière de madame la présidente. On note plus particulièrement la nécessité de veiller à ce que les enseignements généraux ne soient pas enfermés dans des horizons purement professionnels ; tout en incitant à la mise en place d’une pédagogie de lien entre les disciplines, ils doivent favoriser le développement d’une réelle culture qui se veut large et ambitieuse pour les apprenants de la voie professionnelle. Les modalités d’évaluation et de certification doivent être assouplies en veillant à ce qu’elles portent sur de réelles compétences.
La place des langues vivantes doit rester centrale dans les parcours de formation des apprenants et la pédagogie doit être repensée pour que les langues soient un réel levier à l’employabilité, un moteur pour la poursuite d’études et contribuent au rayonnement de la voie professionnelle française à l’international.
Autre point de vigilance : compte tenu du calendrier avancé, la mise en application des nouveaux programmes sera certainement difficile en raison du manque de temps nécessaire à l’accompagnement. Il y a donc urgence à penser l’accompagnement des équipes pédagogiques sur le terrain pour éviter une mise en œuvre escamotée de ces nouveaux programmes.
L’ensemble des points évoqués dans la lettre de saisine du ministre de l’éducation étant abordés et discutés, madame AYADA clôt la séance en remerciant les représentants des syndicats présents pour leurs contributions respectives et constructives et pour leur vision avant-gardiste qui permettra certainement aux décideurs d’anticiper les problématiques de mise en œuvre sur le terrain.