Revue 149 4Le lycée professionnel : vous avez dit transformation ?

La publication du rapport Calvez-Marcon, l’annonce par le Ministre de son projet pour transformer le lycée professionnel nous interrogent. Ses origines, les objectifs qui ont présidé à sa création, les divers projets qui se sont succédé laisseraient penser à un éternel recommencement, tel un Sisyphe qui, indéfiniment, tenterait de replacer son rocher au sommet de la colline.

Valoriser la voie professionnelle, une longue histoire !

En 1971, la loi n° 71-576 relative à l’apprentissage, donne à celui-ci un véritable statut, par la création des centres de formation d’apprentis (CFA). La réforme Haby en 1975 achève la construction du système éducatif et valorise un enseignement technologique au sein du second cycle, alors que la détérioration du climat économique semble indiquer les limites de la formation à l’école.
En 1985, après de multiples formes et appellations, le lycée professionnel (LP) est institué. Durant cette décennie, la crise économique, le chômage durable, les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes, entrainent une forte demande d’école. Cette démocratisation et l’accroissement de l’orientation des élèves vers la voie GT font de l’enseignement professionnel une voie d’orientation par défaut.
C’est dans ce contexte que Jean-Pierre Chevènement énonce son objectif de 80% d’une classe d’âge au niveau baccalauréat, transformé en 1989 en 100% au niveau V.
On est loin de l'image d'une formation transmettant le savoir‐faire ouvrier, dans une société industrielle en plein essor, où l'espoir de connaître une mobilité professionnelle et sociale grâce à elle était très ancré. On est loin du lycée professionnel comme école des ouvriers, disposant d’enseignants issus du même monde.
Pour répondre aux nouveaux besoins économiques, la création du bac professionnel, le renforcement des partenariats avec le monde professionnel, l’accent mis sur le développement de l’apprentissage sont autant de tentatives de valoriser cette voie. En cette période de chômage endémique, l’entreprise pourvoyeuse d’emplois est réhabilitée. L’apprentissage reste néanmoins limité aux professions artisanales et ne touche guère les secteurs économiques de pointe.
En 2007, Bernard Porcher IEN-ET et Maryannick Malicot, IA-IPR, évoquent dans la revue Éducation & formations les diverses pistes pour renforcer l’attractivité et l’efficience de la formation professionnelle sous statut scolaire. Ainsi, la découverte des métiers dès le collège, les questions de différenciation, de traitement de la difficulté scolaire, de poursuite d’études et de qualité de la formation (notamment dans les CFA dits publics) sont autant de solutions.
Pourtant, aujourd’hui encore, on avance les mêmes questions, avec pour éternelle ambition la valorisation, la transformation du lycée professionnel.

L’enseignement général en baisse

Celui-ci a pour vocation de garantir la maitrise des connaissances de base fondamentales, dans un monde professionnel en constante évolution ; il ne doit pas être anecdotique. Ces disciplines permettent de réduire les inégalités et de favoriser une employabilité sur le long-terme, sur les divers territoires, locaux, nationaux et étrangers. Elles ouvrent l’horizon des élèves sur les aspects culturels et réflexifs de leur spécialité.
Cependant, en l'attente d'un éventuel volume horaire complémentaire, on constate dans les grilles horaires proposées, une diminution importante de ces heures, depuis 30 ans. Cette diminution s’est faite dans le même temps que le niveau des élèves en orthographe baissait de façon significative et que la voie professionnelle accueillait de plus en plus de jeunes en situation de handicap.
Aujourd’hui, la réforme prévue instrumentalise clairement l’enseignement général. L’heure de co-intervention proposée en français et en maths (quid des LV et des Arts appliqués ?) a pour objet « de donner plus de sens aux enseignements généraux en les rendant concrets pour les élèves dans une perspective professionnelle ».
Les projets jusqu’alors mis en place en EGLS permettaient un choix entre les disciplines d’enseignement général, au moyen d’une coopération adaptée avec l’enseignement professionnel, laquelle s’effectuait dans une véritable complémentarité.
Concernant les langues vivantes étrangères, on annonce une part plus importante dédiée à l’ouverture vers l’étranger. Pourtant, le maintien, pour les filières industrielles, de la pratique d’une seule langue vivante et, pour l’ensemble des filières, d’une baisse toujours croissante des horaires dédiés, dénote une méconnaissance de ce qui se passe aujourd’hui sur le terrain. Par ailleurs, l’absence d’une 2e langue vivante pénalise fortement les élèves de LP qui souhaiteraient poursuivre en BTS.
Il est curieux de constater que la valorisation de la voie professionnelle passe par une restriction des enjeux de l’enseignement général lorsque l’on nous rappelle que nous sommes le pays des Lumières. Ces Lumières sont-elles réservées à une élite ?

Les mesures préconisées par le SI.EN-UNSA

Pour le SI.EN-UNSA, la voie professionnelle doit constituer un choix à part entière, une voie d’excellence. Il ne doit pas s’agir d’un lycée de la remise à niveau ou de la remédiation. C’est un projet éducatif et sociétal qui est ainsi en question ; ce sont nos modes d’apprentissage, d’accompagnement, de remédiation qu’il faut revisiter à tous les niveaux. C’est le mode de pensée de chacun qu’il faut revoir. Il est aujourd’hui nécessaire que nos jeunes deviennent des professionnels qualifiés, entreprenants et innovants mais également qu’ils œuvrent au déploiement du savoir-faire français.
Pour contribuer à la transformation du lycée professionnel, le SI.EN-UNSA avait préconisé la découverte des champs professionnels par tous les élèves, dès le début du cycle 4. Cela aurait permis aux élèves, aux familles mais aussi aux professeurs principaux de mieux appréhender les possibilités d’orientation. De nombreux chefs d’établissement partageaient cet avis ; le Ministère n’a pas entendu cet argument et nous le regrettons.
A contrario, on marginalise les quelques élèves de 4e qui voudraient effectuer des mini-stages. Les élèves en difficulté sont encore cloisonnés en 3e Prépa Métiers, classe dont on sait qu’en changer l'appellation ne suffit pas. Classe qui, en dépit des effets d’annonce, constitue une pré-orientation vers une voie professionnelle que l’on réserve de fait aux élèves relevant de la difficulté scolaire. On est là bien loin de la fierté professionnelle et du chef-d’œuvre annoncés…
La proposition de secondes organisées autour de familles de métiers ne révolutionne rien. En effet, déjà en 2009, il était question d’une telle mesure. On peut alors s’interroger sur les raisons qui ont freiné cette mise en place.
Quant à la mixité des publics, le SI.EN-UNSA l’a soutenue. La voie professionnelle doit en effet concerner les différents statuts d’apprenants. Mais qu’en est-il de son organisation, de sa mise en œuvre ? Pour être efficiente, celle-ci doit être confiée entre autres aux experts de terrain que sont les IEN du 2nd degré.

 

Pour une véritable transformation de la voie professionnelle, nos revendications

Une seule voie dite professionnelle ou technologique, en parallèle de la voie générale, avec différentes portes de sortie, sera cohérente et logique dans ce projet ministériel

Une place non négligeable dédiée à l’enseignement général, une co-intervention de toutes les disciplines aux côtés de l’enseignement professionnel, permettra une véritable formation du professionnel, de la personne et du citoyen.

Un unique statut d'inspecteur, comme un unique statut de personnel de direction, facilitera le pilotage d’une filière ou d’une discipline.

Une revalorisation salariale des ouvriers, artisans et employés développera l’attractivité de certains métiers auprès des jeunes.

Le SI.EN-UNSA milite pour des formations et diplômes adaptés qui répondent mieux aux attentes des élèves et aux besoins des professionnels.
Nous voulons intégrer les groupes de décision pour la mise en œuvre des enseignements, de l’orientation et de l’accompagnement.
Nous exigeons que les IEN-ET, EG et IO soient associés en tant qu’experts dans le pilotage, la rénovation des diplômes, la reconfiguration des cartes de formations, aux côtés des branches professionnelles, des régions et des entreprises.