A côté de la commission corporative du SNIDEN qui œuvrait, ainsi que nous venons de le voir, pour la défense des intérêts professionnels, collectifs et individuels, une commission pédagogique élaborait puis développait des thèses qui ont fait… "école".
Il est d’ailleurs souvent difficile de séparer l’action de ces deux commissions tant elles se sont mutuellement confortées pour justifier auprès de leurs interlocuteurs le bien-fondé de leurs revendications ou pour obtenir les moyens nécessaires à la mise en œuvre de leurs propositions, liant ainsi l’évolution pédagogique aux avancées corporatives.
Portons donc maintenant notre réflexion sur la fonction - les fonctions - de l’IDEN.
La recherche en pédagogie, la réflexion sur les structures, la participation aux groupes et aux Conseils chargés de promouvoir les évolutions de notre école depuis 1945, ont constitué un domaine privilégié de l’action du SNIDEN mais c’est entre 1968 et 1985 qu’ont été produits les documents écrits les plus nombreux, en liaison sans doute avec l’effervescence particulière du contexte politique et social du moment.
Jusqu'aux années soixante
Dès la reprise de ses activités, après la guerre, le syndicat, auquel se posaient les problèmes immédiats de revalorisation et de reclassement que nous avons détaillés n’oublie pas pour autant d’envisager l’avenir de la fonction dans ses rapports avec les projets de réforme de l’enseignement qui naissent alors. Il manifeste, dès cette époque, son attachement au principe de la continuité éducative.
Après avoir participé aux travaux de la commission Langevin-Wallon, le SNIEP demande "l’élaboration d’un plan d’étude complet et harmonieux accompagné d’instructions générales explicites". Mais le projet soumis par le Ministère au Conseil supérieur de l’Education nationale appelle une réaction du syndicat qui y voit une atteinte grave à l’organisation de l’école unique, notamment en ce qui concerne la scolarité dans les cours complémentaires.
La commission pédagogique du syndicat se préoccupe alors de la mise en place des dispositifs nouveaux (entrée en 6 ème, sélection, orientation...), et s’interroge à propos des idées et des opinions officielles. En 1950, elle participe effectivement à l’étude de la réforme de l’Education nationale et, en 1951, les inspecteurs se félicitent du renforcement de leurs responsabilités dans le domaine de l’enfance inadaptée.
Il reste qu’à cette époque et dans le domaine pédagogique, le rôle assigné aux IEP est de "conseiller lors des visites, leçons modèles et conférences" le personnel enseignant, d’assurer la formation professionnelle des instituteurs remplaçants, et de faciliter l’information et la documentation pédagogique.
Jusqu’au début des années 60, la réflexion pédagogique du syndicat apparaît très liée - bien que la plupart du temps en opposition - aux structures envisagées par les autorités ministérielles. Elle affiche une double préoccupation : sauvegarder les chances d’une démocratisation de l’école au profit des enfants issus de milieux modestes, et mettre en étroite relation les évolutions pédagogiques avec ce qui fut alors appelé "l’avenir de la fonction".
Et durant ces années, la réflexion pédagogique se centra sur le développement de l’enfant, se dégageant de toute autre considération d’ordre corporatif ou structurel.
Dans la tradition de Pauline Kergomard, les inspectrices des écoles maternelles apportent alors à l’école de la petite enfance le témoignage d’un enthousiasme bénéfique, "une part immense d’imagination, d’invention dans les mises en œuvre [étant] seule garante d’une pédagogie vivante et stimulante"
C’est à cette même époque que, par son action insistante, le Syndicat obtint que les Inspectrices des écoles maternelles aient les mêmes indices de traitement et le même déroulement de carrière que les IEP ce qui n’était que justice.
1968/1985 : réflexion pédagogique et problèmes de formation
Désireux de mettre en évidence la cohérence d’une réflexion aux différents niveaux, abordons successivement la formation des élèves, la formation des maîtres …et celle des inspecteurs.
La formation des élèves
Si, dans le cadre de notre syndicat, les événements de mai 1968 furent marqués par une implication importante, la campagne "anti-inspection" qui a suivi l’élection présidentielle de 1981 et le changement de majorité à l’Assemblée Nationale amenèrent le SNIDEN à préciser davantage encore ses thèses pédagogiques à travers la production de nombreux documents d’appui, ici trop brièvement résumés.
Les mutations de la société, que l’éducation nationale ne pouvait ignorer, conduisaient à préciser les nouvelles finalités de l’école. Cette dernière se devait de développer chez les élèves une capacité à l’initiative et au changement par la mise en œuvre d’une pédagogie de la découverte sans abandonner pour autant le domaine des apprentissages.
C’est pourquoi, de 1967 à 1984, afin de promouvoir une démarche d’apprentissage fondée sur l’activité des élèves, le syndicat participa activement aux travaux de divers groupes de réflexion, en liaison avec l’IPN puis l’INRP, notamment au colloque d’Amiens, dans le groupe de pilotage national de la "Consultation réflexion sur l’école" et au sein du groupe formé à l’occasion de la mission Legrand sur l’avenir du collège et sa liaison avec l’école élémentaire.
Discuté à Amiens comme caractérisant la démarche "d’éveil", le principe des "trois temps pédagogiques" qui fait se succéder dans une liaison indissoluble, un temps de recherche, un temps de mise en forme et un temps d’acquisition des savoirs instrumentaux fut alors précisé.
Et, dans le contexte éducatif de l’époque, le SNIDEN, réfutant certaines objections et s’efforçant de combattre d’évidentes dérives, a beaucoup contribué à diffuser ce principe d’une pratique exigeante, pour les élèves autant que pour le maître.
Les arguments avancés à l’encontre de la pédagogie d’éveil procédaient presque tous d’un apparent constat d’incompatibilité entre l’application de la méthode et le respect des programmes...Mais n’y avait-il pas là un malentendu et le troisième "temps" -de reprise théorique- ne devait-il pas se référer à une programmation ?
Quant aux dérives, nées de l’incapacité - ou du refus - de percevoir la démarche en termes relationnels et d’une prédominance accordée au premier des trois temps devenu "activités d’éveil", elles ont conduit à la disparition du second temps, celui de la structuration collective des apports, et à l’hypertrophie du temps de recherche initiale.
Le déséquilibre né de ces dérives qui renforçaient les perfectionnements instrumentaux sous la forme restituée des programmations traditionnelles a largement alimenté la campagne dirigée contre la pédagogie d’éveil. Il faut toutefois admettre qu’une telle démarche ne pouvait être généralisée en l’absence d’une réforme de la formation des maîtres et d’une réelle volonté d’aboutir.
Pour sa part, le SNIDEN n’a pas ménagé ses efforts en vue de défendre cette rénovation auprès des enseignants et des parents. Il s’est efforcé de lutter contre la dénaturation de la démarche, dénaturation dont l’autorité ministérielle n’a pas toujours su éviter de se rendre elle-même responsable. C’est ainsi que le SNIDEN a perçu la régression qui s’est produite vers les années 84-85.
La formation continuée des maîtres
La mise en place de la formation continue dans les entreprises conduisit les organisations syndicales des personnels de l’éducation à revendiquer puis à obtenir, dans les années 72-73, la reconnaissance d’un droit à la formation continue.
Pour sa part, le SNI obtint, au bénéfice des instituteurs et sous la forme de stages représentant au total trente-six semaines à répartir sur la durée de la carrière, l’octroi d’une formation désormais appelée formation "continuée".
Des négociations, longues mais fructueuses, se développèrent alors entre le ministère, le SNI, les syndicats des personnels des écoles normales et le SNIDEN dont les thèses furent largement prises en compte. Et il fut décidé que la conduite de l’opération serait placée sous la responsabilité conjointe des directeurs et professeurs des écoles normales et des IDEN du ressort.
La formation continuée des instituteurs s’est ainsi organisée sous la forme de stages successifs, de 3 à 12 semaines, séparés par des périodes plus ou moins longues de pratique professionnelle.
Les objectifs de la formation se sont appuyés sur la motion du Congrès de 1972 qui affirmait que le maître doit être rendu apte à la communication et au changement "qui [promeut] l’esprit de recherche", et qu’il devait savoir "utiliser l’information, imaginer, créer, ainsi qu’évaluer le résultat d’une action".
Le même texte, déduisit de ces considérations une démarche fondée sur l’
alternance, aux fins d’obtenir "
une formation équilibrée et unifiée". Ce terme d’
alternance induisait pour les maîtres une nécessaire relation fonctionnelle entre les temps d’exercice en responsabilité et les temps de reprise en institut de formation. Ainsi devaient s’articuler, dans une relation conforme aux trois temps de la "démarche d’éveil",
* la mise en situation dans une expérience vécue, en pratique de classe,
* puis, en circonscription, l’élaboration en groupe de contenus de formation à partir des besoins exprimés
* avant que s’organise en réponse, à l’école normale, une reprise plus théorique.
C’est aux professeurs qu’il revenait alors de dresser, contractuellement avec les stagiaires, un plan de formation.
Mais cette alternance fonctionnelle a connu la même dérive que celle que rencontrait, dans les classes, la mise en œuvre de la pédagogie d’éveil : à savoir la disparition de la nécessaire relation entre les phases successives de la démarche, chacune des étapes devenant indépendante. Le premier temps en circonscription, considéré comme un simple moment d’enregistrement des demandes, perdait toute signification, les professeurs d’Ecole Normale se dispensant ensuite de négocier , avec les maîtres, un projet de formation adapté.
En 1973-74, après enquête auprès de ses adhérents, le SNIDEN ne put que dresser un bilan critique d’une alternance mal perçue.
Cependant, dans le droit fil des thèses développées, la commission pédagogique du syndicat, définissant le concept de "formation permanente", affirmait que la différence entre formation initiale et formation continuée n’était pas une différence de nature mais une différence dans les rythmes de fonctionnement.
La formation initiale des maîtres
En 1974, le Congrès consacra ses travaux à la formation initiale des maîtres, considérant celle-ci comme la première phase de la formation permanente, nécessairement liée à la formation continuée qui lui fait suite.
En cohérence avec les
principes fondant la formation continuée le pré-rapport soumis à l’assemblée décrivait les domaines de savoirs indispensables. Il rappelait également la nécessaire liaison à établir entre l’acquisition des savoirs fondamentaux et l’analyse de la relation impliquée par la pratique enseignante.
La thèse défendue par le SNIDEN d’une "
continuité éducative de l’entrée à l’école maternelle jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire" conduisait, tout naturellement à ne pas établir de distinction entre les maîtres appelés à intervenir aux différents niveaux.
Mais, considérant le
cas particulier du premier cycle du second degré, la motion présenta des "suggestions pour ce niveau d’enseignement, en termes de profils d’enseignants, de structures, d’objectifs éducatifs et d’inspection".
Ainsi était-il proposé :
- la création d’un corps unique de professeurs pour le niveau considéré ;
- la mise en fonctionnement d’un système souple permettant de répondre à l’évolution des élèves ;
- et l’établissement d’une liaison entre les niveaux, en amont et en aval.
Pour terminer, le rapport présentait les conditions d’une inspection collégiale IDEN-IPR "dont les compétences différenciées seraient mises au service d’objectifs communs", avec, "à terme [et correspondant à l’unification du corps professoral] une unification des corps d’inspection".
C’est donc dès cette époque que le SNIDEN a formulé ses thèses sur l’inspection à deux niveaux et sur la création d’un corps unique de l’inspection aux rôles diversifiés, thèses qui seront développées dans les années 80.
Abordant ensuite le problème de la rénovation de l’institution de formation, la motion du congrès 1974 définit cette dernière, destinée à s’ouvrir largement à l’ensemble du terrain, comme un "Centre (ou institut) départemental d’animation et de formation des maîtres [assurant] une fonction universitaire originale et constituant la cellule de base de formation des maîtres, initiale et continuée".
Y devaient intervenir, en tant que formateurs :
- les instituteurs volontaires, titulaires ou non d’une classe, sur proposition de l’IDEN
- les conseillers pédagogiques,
- les directeurs d’école, notamment dans les tâches qui concernent leur établissement,
- les professeurs des instituts départementaux de formation (appelés à intervenir également sur le terrain, en liaison avec les IDEN, notamment)
- les inspecteurs départementaux de l’éducation nationale et les directeurs d’instituts, chargés, les uns et les autres, de responsabilités dans la gestion des tâches de formation.
Appelés à circuler dans l’ensemble du système, qu’ils soient "formateurs-animateurs" ou "porteurs de connaissances particulières" comme les distinguaient le congrès de 1972, leurs rôles devaient pouvoir s’énoncer en termes de relation, l’objectif final étant de mettre en place de véritables équipes.
Le recrutement et la formation des Inspecteurs
De 1880 à 1975, si l’on excepte une interruption durant la seconde guerre mondiale, les inspecteurs de l’enseignement primaire ont été recrutés sur examen : le CAIP (Certificat d’Aptitude à l’Inspection Primaire et à la direction des Ecoles Normales) auquel vint s’adjoindre, après 1910, le CAIEM (Certificat d’Aptitude à l’Inspection des Ecoles Maternelles). Progressivement ouverts aux instituteurs, avec des dispositions restrictives, ces examens furent l’un et l’autre objet de réflexion au sein du syndicat qui, dès 1949, marqua son souci "d’adapter plus étroitement [les épreuves] aux divers aspects de la tâche d’inspection", de voir réaliser la fusion du CAIP et du CAIEM et d’exiger des candidats la possession d’une licence d’enseignement. Le vœu était également émis que les personnels recrutés fassent montre d’aptitudes intellectuelles, morales et humaines plus que de connaissances étroitement spécialisées et qu’une formation obligatoire d’un an, conduite dans les ENS de Saint-Cloud et de Fontenay aux Roses, se substitue au stage "d’élèves-inspecteurs" offert, essentiellement, aux professeurs et dans des conditions peu transparentes.
La promulgation du statut des IDEN en 1972 , l’instauration en 1973 d’une formation initiale de nos futurs collègues et l’amorce, la même année, d’une formation continue, sont des innovations contemporaines de celles qui ont concerné les instituteurs. Elles sont de ce fait parties intégrantes des négociations globales qui ont été menées par le SNIDEN avec les autorités ministérielles, ce qui conduit à les rapprocher dans ce chapitre consacré aux problèmes pédagogiques.
A partir de 1973, les IDEN ont été recrutés sur concours. Le Concours de Recrutement des Inspecteurs Départementaux de l’Education Nationale (CRIDEN) comportait une épreuve écrite éliminatoire, une épreuve orale et un entretien. L’instauration de quotas en limitait par ailleurs l’accès, pour les titulaires du seul CAPCEG et pour les instituteurs, admis à concourir après succès à un examen probatoire.
Une formation initiale des candidats admis était instituée sur deux années de stage. La première année, dans un Centre de formation, débouchait sur la première partie du Certificat d’Aptitude à l’Inspection Départementale de l’Education Nationale (CAIDEN); la seconde, sous forme d’un stage professionnel dans une circonscription réduite, étant sanctionnée par la deuxième partie du CAIDEN.
Les négociations menées durant cette période par le SNIDEN qui s’efforçait de faire valoir les thèses qu’il avait élaborées amenèrent le ministère à accepter :
- le maintien du recrutement par concours (et non sur liste d’aptitude),
- la mise en œuvre, dans cette formation, du principe de l’alternance entre des expériences vécues sur le terrain et des reprises théoriques,
- la transformation du stage de seconde année en "stage en responsabilité", sous la tutelle d’un collègue en exercice dit "correspondant de formation",
- un retour au Centre, la seconde année et avant les épreuves du CAIDEN 2, pour une reprise portant sur les expériences vécues.
Mais, là encore, des dérives sont apparues dans l’application du principe d’alternance, au bénéfice d’un enseignement théorique initial de savoirs peu opérationnels. Par ailleurs, le manque de stabilité dans l’implantation du Centre ainsi que les oppositions de conception entre l’Inspection Générale et certains responsables de la formation, ont été mal ressentis par les stagiaires.
Parallèlement, le SNIDEN demandait que les IDEN reçoivent, sur les principes méthodologiques énoncés pour la formation des maîtres, une formation permanente à l’animation et à la gestion.
Cette approche a inspiré, en 1972, l’organisation du premier stage de formation continuée des IDEN, à MARLY, ce dont le syndicat a pris acte avec intérêt.
Peu à peu, une formation continuée s’est ainsi mise en place sur le territoire national : onze stages en 1975, vingt-trois en 1976, en différents centres de regroupement et sur des thèmes multiples à résonance disciplinaire ou méthodologique. Ces stages se sont progressivement ouverts aux professeurs et aux directeurs des Ecoles normales. De qualité inégale, ils auront eu cependant le mérite de répondre partiellement aux attentes des IDEN.