Revue 149 8Retraites : la réforme envisagée sera-t-elle garante d’une plus grande équité ?

La situation actuelle

Notre système de retraite par répartition repose sur trois grands principes :

  • la solidarité intergénérationnelle car ce sont les cotisations - obligatoires - des actifs qui financent les pensions des retraités (système par répartition).
  • la réalité économique et sociale… car la pension de retraite étant proportionnelle aux revenus d’activité et à la durée d’activité, elle reproduit nécessairement les inégalités de la vie active (système contributif).
  • la justice et l’équité car il s’agit non seulement de garantir à tous les retraités un revenu minimum décent mais de réduire en partie au moins les effets qui seraient liés au sexe, au handicap, à la maladie, à la maternité, au chômage… et d’assurer un traitement équitable entre les générations.

La multiplicité des régimes

Mais ces grands principes ont connu lors de leur mise en place au cours de la première moitié du XXème siècle des déclinaisons différentes qui se traduisent aujourd’hui à travers 42 régimes que l’on peut regrouper en trois grandes catégories : le régime général (secteur privé et travailleurs indépendants), les régimes spéciaux des salariés du secteur public et les autres régimes (professions libérales et agriculteurs).

Chaque régime possède ses propres règles et certains ne survivent que par la solidarité des autres car leur nombre de cotisants est devenu très inférieur à leur nombre de bénéficiaires (par exemple la SNCF et la RATP) voire même sans aucun cotisant (cas du régime des Mines).

De nombreux régimes, dont les régimes dits spéciaux, comportent des dispositions plus favorables que d’autres sans que ces privilèges, issus souvent de luttes sociales, apparaissent aujourd’hui encore justifiés. Et la question de leur maintien se pose d’autant plus pour les régimes dont le financement fait appel à la solidarité nationale à travers une subvention d’équilibre versée par l’Etat.

Les modifications introduites lors des dernières réformes

Elles avaient pour objet d’agir simplement sur les différents paramètres (âge de départ, taux de cotisation, taux de pension) afin de conserver sur le moyen terme l’équilibre d’un système risquant d’être mis en péril par la dégradation constante du rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités.

Or ce rapport dépend pour l’essentiel de facteurs extérieurs au système de retraite : pyramide des âges de la population française, allongement de l’espérance de vie, comportements d’activité et taux de chômage. Mais il dépend également de l’âge moyen conjoncturel de départ à la retraite, qui est directement lié à la réglementation en matière de retraite, en fonction de l’âge légal d’ouverture des droits et de la durée requise pour bénéficier d’une pension à taux plein.

Enfin, le système doit également répondre à un objectif d’équité entre les générations en veillant par exemple à ce que l’âge de départ en retraite évolue en fonction de la durée d’études et de l’allongement de la vie. On notera ainsi que le report à 62 ans n’a pas modifié le rapport entre la durée de retraite et l’espérance de vie qui, après une légère augmentation à 38% pour les générations 1945-1955, devrait désormais rester stable autour de 37%.

Revue 149 9Les perspectives à moyen terme

Selon le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) de juin 2018, les ressources et les dépenses du système des retraites s’équilibrent en 2017 à 13,8% du PIB.

Malgré un rapport entre le nombre decotisants et le nombre de retraités qui diminuerait progressivement en passant de 1,7 à 1,3 sur la période 2020-2070, les perspectives à moyen terme restent stables avec une baisse progressive des ressources comme des dépenses d’environ 1 point de PIB sur la base du scenario économique moyen d’une croissance à 1,5%.

Il est vrai que dans ce scenario moyen, le déficit pourrait atteindre 0,5% du PIB en 2030 avant de s’annuler vers 2045 où le système retrouverait ensuite un solde positif. On peut raisonnablement considérer que ce besoin temporaire d’un léger complément de financement sera pris sur les réserves qui ont été constituées par les différents régimes et par l’Etat pour un montant total qui est actuellement de l’ordre de 165 milliards d’euros.

Par ailleurs, le COR estime que l’âge de départ en retraite (61,8 ans en 2017) tout en restant sur une base légale de 62 ans augmenterait progressivement pour s’établir vers 64 ans à partir de la fin des années 2030 du fait de la hausse de la durée d’assurance requise pour le taux plein et des entrées plus tardives sur le marché du travail.

Le principal point noir concerne l’évolution du niveau de vie des retraités par rapport à celui des actifs : dans tous les cas, la pension relative baisserait régulièrement du fait que la revalorisation des pensions est indexée sur l’indice des prix et non sur la croissance. Comme le souligne le COR, l’indexation sur l’inflation a pour impact de creuser les écarts entre les pensions et les revenus d’activité, avec un effet cumulatif d’autant plus fort que la croissance des revenus d'activité est élevée par rapport à l’inflation.

Ainsi, le financement du système actuel n’est pas en péril, mais les évolutions à moyen terme font apparaître une augmentation de l’âge conjoncturel de départ en retraite et surtout une dégradation du niveau de vie des retraités par rapport à celui des actifs.

Le projet de réforme actuel

Le projet de réforme qui est actuellement en discussion se propose de faire converger les régimes de retraite en un système « universel », un système par points où « un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé ». Et ce sans toucher à l'âge de la retraite ni au niveau des pensions.

Face à une volonté affichée de mettre en place un système plus transparent et plus équitable, on ne peut que partager une telle ambition, mais devant la complexité de la tâche, il va falloir faire preuve de la plus grande vigilance…

Ainsi, la formule « un euro cotisé donne les mêmes droits » est la parfaite illustration d’un principe en apparence égalitaire qui ne constitue en fait qu’une garantie de pérennisation au moment de la retraite des inégalités acquises au cours de la vie active.

La question essentielle sera donc d’examiner attentivement les mesures qui seront proposées pour compenser au moment de la retraite les inégalités accumulées lors de la vie active (handicap, maladie, maternité, chômage, discriminations liées au sexe).

D’autres points constituent également des enjeux majeurs :

- l’équité de traitement entre les salariés du public et ceux du privé car les systèmes actuels en apparence très différents garantissent en réalité des niveaux de retraites quasiment identiques avec un taux de remplacement de 74,6% dans le privé et de 73,8% dans le public.

  • - les mesures à caractère proportionnel comme la majoration de 10% pour trois enfants qui renforcent de manière injuste les inégalités sociales.
  • - les pensions de réversion qui ont été créées pour compenser l'inégalité de revenus au sein de nombre de ménages, en défaveur des femmes : financièrement dépendantes de leur époux, la disparition de celui-ci les laissait dans le dénuement. Aujourd'hui encore, 89% de ses bénéficiaires sont des femmes, soit 3,9 millions de veuves qui dépendent de ce revenu
  • - la pénibilité au travail qui concerne en priorité des personnes peu qualifiées avec de bas revenus et une espérance de vie très inférieure à celle des cadres. Or le compte personnel de prévention de pénibilité (C3P) qui était une mesure essentielle de justice sociale voulue par le précédent gouvernement pour compenser l’espérance de vie, a été vidée en partie de sa substance, transformé en compte professionnel de prévention (C2P) supprimant une partie des critères de pénibilité au prétexte que c’était trop compliqué pour les employeurs !
  • - la dégradation annoncée du niveau de vie des retraités par rapport à celui des actifs

Vers un système plus équitable ?

La réforme systémique annoncée n’a pas un caractère d’urgence car on ne peut pas dire qu’elle a pour objectif de « sauver » un système de retraites qui n’est pas en péril. Toutefois elle doit clairement contribuer à l’améliorer pour le rendre plus équitable…

- Un système plus équitable ce n’est pas la simple suppression des avancées obtenues précédemment par quelques-uns mais la fixation de ces avancées à un niveau tel que chacun puisse en bénéficier.

- Un système plus équitable ce n’est pas un ajustement permanent du niveau des pensions aux choix budgétaires du gouvernement mais un cadre où le gouvernement doit adapter ses choix aux besoins de financement des retraites.

- Un système plus équitable, ce n’est pas un dispositif qui laisserait le niveau de vie des retraités se dégrader par rapport à celui des actifs, mais un financement solidaire permettant à tous de bénéficier des fruits d’une croissance dont ils sont tous les acteurs.
Un système plus équitable, ce n’est pas la simple application libérale d’une logique économique, mais bien l’organisation humaniste d’une société qui apporte aux plus défavorisés la garantie d’une vie décente, tout particulièrement après la vie active au moment ou s’accroissent les risques liés au vieillissement

 

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